A lire dans La Tribune – 26/01/2022

L’ampleur des mesures d’urgence annoncées par le gouvernement pour contenir à 4% la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité mérite d’être saluée.

Cependant, avec l’indemnité inflation et l’envoi d’un second chèque-énergie, le bouclier tarifaire proposé par le gouvernement représentera a minima un coût de 15 milliards d’euros pour les finances publiques : 15 milliards d’euros dépensés dans des mesures d’urgence, pour contenir et lisser la hausse des prix de l’énergie qui a démarré l’été dernier.

Une situation qui était prévisible

Il est toutefois regrettable de constater que la situation actuelle en matière de prix de l’énergie était prévisible. La reprise accélérée de l’économie chinoise en 2021 qui a aspiré la production de gaz au niveau mondial et fait monter en flèche des prix du gaz puis, par effet domino, sur le prix de l’électricité en Europe. Cela s’est ajouté à la tension existante sur le système électrique depuis plusieurs années compte tenu de l’indisponibilité de nombreuses centrales nucléaires pour cause de maintenance. L’ensemble de ces éléments structurels et conjoncturels aurait pu être analysé par les pouvoirs publics comme des scénarios de crise dont il fallait se prémunir depuis déjà plusieurs années.

Surtout, en dépit de leur coût budgétaire, nous constatons que les mesures annoncées ne prémunissent en rien le consommateur de futurs rattrapages sur sa facture si par chance la hausse des prix cessait à court terme, de l’impact sur sa facture d’une poursuite de la hausse des prix sur le moyen terme ou d’un nouvel épisode de tension à plus long terme. Plus qu’une approche systématiquement curative et guidée par l’urgence, il est devenu indispensable de se doter d’une véritable stratégie de couverture contre une hausse des prix de l’énergie.

ARENH, fruit d’un consensus mou

Les leviers sont nombreux, à commencer par une réforme profonde dans l’accès donné aux Français au parc nucléaire historique qu’ils ont financé pour bénéficier d’un prix de l’électricité compétitif. Le mécanisme actuel, dénommé ARENH, est le fruit d’un consensus mou entre les intérêts d’EDF et l’intérêt des consommateurs d’électricité français, qui est contesté de part et d’autre depuis plusieurs années. Afin de faire bénéficier l’ensemble des consommateurs de la compétitivité de l’électricité issue du parc nucléaire historique, la réforme doit garantir une juste rémunération à EDF, par exemple en intégrant une logique de contrat pour différence et doit prévoir que ce droit d’accès au parc nucléaire historique apparaisse de manière intelligible sur la facture d’électricité de chaque Français. Si cette décision était prise d’octroyer 100% de la production nucléaire historique nécessaire à la consommation des Français, l’impact de la hausse des prix de l’électricité sur le marché européen serait nul aujourd’hui pour eux.

Au-delà du prix de l’énergie que paie chaque Français, la question des actions à mener pour baisser sa consommation d’énergie se pose. La première étape indispensable à toute action est la prise de conscience de sa consommation individuelle. Pour responsabiliser le consommateur sur ses usages et orienter ses actions, rien de tel que de récompenser plus fortement les consommateurs particuliers ou entreprises qui participent à la résilience de notre système en rénovant leur logement, leur bâtiment, en choisissant des équipements moins énergivores ou en baissant leur consommation les heures de plus forte tension sur le système électrique.

Aider à mieux piloter les ménages pour leur consommation

Par ailleurs, la réalisation à intervalles réguliers, par exemple tous les deux ans, d’« autodiagnostics de performance énergétique » du logement basés sur les données des compteurs communicants, permettrait de sensibiliser utilement les ménages et les aider à mieux piloter leur consommation. Enfin, le développement de l’autoconsommation solaire résidentielle couplé à l’émission de signaux tarifaires affinés conduirait également à des consommations optimisées. Ce sont autant de solutions qui feront baisser durablement les factures d’énergie des Français ou entreprises françaises et les rendront moins sensibles aux hausses du prix de l’énergie.

La propulsion de ces solutions dans les logements, dans les bâtiments tertiaires, dans nos entreprises coûterait bien moins que 15 milliards d’euros à l’Etat et assurerait sur le long terme la résilience des Français en matière d’énergie.

La réglementation prévoit qu’à compter de 2025, tous les grands bâtiments tertiaires doivent s’équiper de systèmes d’automatisation et de contrôle visant à faciliter le pilotage de leur consommation. Ne serait-il pas pertinent que les pouvoirs publics financent davantage l’installation de ces systèmes de pilotage en contrepartie de l’obligation pour les bâtiments tertiaires de flexibiliser quelques heures par jour leur consommation de chauffage ou de climatisation lors des vagues de froid ou de chaleur par exemple ?

Obligation d’économies d’énergie minimum de 5%

Dans le même esprit, les aides octroyées au secteur industriel, notamment dans le cadre du Plan de Relance pour en réduire la consommation énergétique devraient être conditionnées à la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie ou à l’élaboration d’un plan de performance énergétique avec une obligation d’économies d’énergie minimum de 5% à horizon 2025. De grands groupes industriels de la téléphonie ou de l’agroalimentaire ont déjà réalisé des économies d’énergie de l’ordre de 10 à 15% ce qui rend totalement atteignable un objectif de 5% d’économies d’énergie pour les entreprises bénéficiaires des aides actuelles.

En définitive, 15 milliards d’euros suffiraient amplement pour développer des solutions pérennes permettant d’atteindre la sobriété énergétique. Ainsi faisons de cette crise évitée à court terme mais probablement persistante sur le long terme une opportunité pour remettre au centre de nos prochaines échéances électorales les solutions pour garantir la préservation du pouvoir d’achat et la transition énergétique.